Une fois n'est pas coutume je mets en ligne le discours que j'avais écrit pour la cérémonie du 11 novembre 2007.
Le 11 Novembre 1918, notre pays,
beaucoup d’autres en Europe et dans le monde sortaient de cinq ans d’une nuit épaisse
et meurtrière.
Il y a 89 ans aujourd’hui, notre
pays se réveillait dans la joie. La Guerre était fini. Mais notre pays se réveillait
aussi devant des chiffres ahurissants plus d’un million trois cents milles soldats
étaient morts et plus de 4 millions étaient gravement blessés.
La France du 11 novembre 1918 est
un pays de dame en noir et d’enfants tristes.
Pour beaucoup d’enfants, papa
n’est pas revenu. Et pour des millions d’autres, papa lorsqu’il est revenu, il
lui manquait un bras, une jambe, parfois les deux. Papa lorsqu’il est revenu,
on ne reconnaissait plus son visage. Papa lorsqu’il est revenu, ne riait plus,
ne chantait plus comme avant. Papa toussait beaucoup, maman disait que c’était
à cause des gaz qu’il avait respirés.
89 ans après, il me paraissait
important d’évoquer la réalité d’un pays qui porte encore certaines traces de
ce premier conflit mondial. Qui se rappelle aujourd’hui que les places réservées
dans le métro pour les handicapés ou invalides datent de cette première guerre
mondiale.
89 ans après, alors que la
dernière année a vu disparaître le dernier poilu du 13e arrondissement
M. Grelot, nous devons peut être plus que par le passé évoquer avec des mots
simples la dureté de ce conflit et les traces qu’il a laissé.
Bientôt les dernières voix qui
pouvaient raconter des tranchés se seront tues à tout jamais. Aujourd’hui ils
ne sont plus que deux, survivants de la grande guerre. Mais de ce conflit, il nous
reste quelques leçons. Je me souviens que collégien j’avais été chargé de faire
un exposé sur la guerre de 14. A cette occasion j’avais rencontré un poilu aux
Invalides. Cette rencontre me marqua profondément.
Nombreux sont ceux de ma
génération ou même plus jeune qui avaient dans leur famille un grand-père ou un
arrière-grand-père qui parfois racontait sa guerre. Mais maintenant ces voix se
sont presque toutes tues. La boue, les trous d’obus, les rats et les poux de
corps comme animaux de compagnie, ne seront bientôt plus que des textes, dans
des livres ou des manuels d’histoire. Plus de voix de vieillards, souvent embuées,
qui puissent donner chair à ces récits effrayants.
Il y a 89 ans des hommes sortaient
des trous ou ils se réfugiaient depuis 5 ans. En passant la ligne du No Man’s
Land, il n’entendraient plus siffler les balles, ils n’entendraient plus le
grondement assourdissant des obus qui tombent et fauchent le copains d’a côté.
Mais ce jour du 11 novembre 1918, ces hommes hagards, épuisés, ne savent pas
qu’ils entendront encore longtemps les sifflements des balles résonner dans
leurs têtes. Ils entendront encore longtemps et sûrement pour toujours, le
grondement des obus exploser dans leurs oreilles.
De ce 11 novembre 1918, sortait
aussi la proposition d’un président américain.
M. Wilson rêvait d’une Société des
Nations qui permettrait de régler les contentieux entre les peuples autrement
qu’en faisant retentir le bruit des bottes et le vacarme des canons.
89 ans plus tard, et après un second
conflit mondial encore plus meurtrier, l’Organisation des Nations Unies est la
trace de ce qu’avait rêvé M. WILSON. Elle est imparfaite cette ONU, certes.
Mais dans notre monde inquiet et inquiétant par certains aspects, elle a le
mérite d’exister et aussi d’être plus efficace que sa soeur aînée la SDN.
Je ne sais plus qui a dit ou écrit
un jour : « Il n’y a pas de présent, il n’y a pas de futur, juste le
passé qui se répète ». Un jour comme aujourd’hui, une cérémonie, comme celle
à laquelle nous participons, est pour moi l’espoir que nous pussions tous lui donné
tort.
Je vous remercie.