Samedi 10h30, je suis retourné dans mon ancien arrondissement et j'ai pris une dernière fois le costume de maître de cérémonie. Cérémonie de dévoilement d'une stèle à la mémoire des très jeunes enfants juifs morts en déportation. 36 noms entre 5 moins et 5 ans... 45 minutes à tenir pas craquer... J'ai pas craqué... Enfin si après... Comme un dernier service à mon ancien patron... A mes deux anciens patrons... Une simple stèle comme celle ci-dessous...
Ci-dessous le discours que j'avais écrit pour l'occasion...
Discours Dévoilement de la Stèle à la Mémoire des très jeunes enfants juifs morts
en Déportation
Samedi 10 avril 2010, 10h30, Parc de Choisy
Je suis particulièrement ému d’être avec vous aujourd’hui
pour dévoilé cette stèle à la mémoire de ces très jeunes enfants juifs du 13ème
arrondissement, morts déportés. Cela fait 7 ans maintenant ce travail à la mémoire des
enfants juifs déportés a commencé. A l’époque j’étais le Premier Adjoint de
Serge Blisko. De toutes les cérémonies qui ont eu lieu au cours de ces 7 années
je n’en raté qu’une, celle de l’école Wurtz. Je participais à un voyage d’étude
à l’étranger aux Pays-Bas pour être exacte, sur les questions de développement
durable.Je voulais tout d’abord remercier M. Roger Candal, le
remercier et lui rendre hommage. Durant ces 7 années j’ai découvert un homme, un homme aux
qualités humaines connu et reconnu de tous. Je voulais le remercier et à
travers lui tous les Bénévoles de l’Amejd 13ème, pour le travail
accompli. Un travail long, fastidieux, terrifiant aussi. Croiser les registres des écoles de notre arrondissement avec
le livre de Klarsfeld. Un travail terrible oui mais surtout utile. Pourquoi ces plaques ? Pourquoi cette stèle ? Parce que le temps passant la mémoire des hommes s’efface.
Parce que le temps passant il faut graver dans la pierre certains faits
historiques. Parce que le temps passant il faut dans tes monuments, même
modeste tel que celui que nous inaugurons aujourd’hui réifier la mémoire des
hommes. Cette mémoire parfois défaillante. Cette mémoire que certains veulent reconstruire ou nier, nous
le savons. Cette mémoire de ces faits que certains souhaiteraient voir
passer sous silence. Passer sous silence : « ce passé qui ne passe
pas », la formule n’est pas de moi. Passer sous silence ce qui ne doit pas l’être, ce qui ne
devra jamais l’être. Pourquoi ces plaques ? Pourquoi cette stèle ? Parce qu’ils ont même emmené les bébés ! C’est cela la
vérité ! Même les bébés. Sur les plaques posées sur les écoles, il est écrit cette
formule : « avec la participation active du gouvernement de
Vichy. » parlant de l’implication des autorités françaises dans la
déportation des juifs. Pour cette stèle la formule exacte serait à la demande des
autorités du gouvernement de Vichy. Car nous le Savons les nazis dans leur plan, dans ce que
Himmler avait lui-même appelé la solution finale, la volonté d’exterminé tous
les juifs d’Europe, Quand les rafles commencent en France, les nazis n’avait
pas prévus d’emmener les enfants de moins de 3 ans. Ce sont bien les autorités françaises qui ont demandés à ce
que nazis les prennent eux aussi. Que pouvaient ils advenir de si jeunes enfants, de nouveaux nés chargés avec
leurs familles dans des fourgons à bestiaux, sans nourritures, sans eau. Oui cette stèle est là pour rappeler aux plus jeunes, aux
enfants, mais à tous. Ce passé qui ne passe pas ! Je ne m’étendrais pas sur
ce que fut l’horreur nazi. La mise en place d’un génocide méticuleux et
systématique. Un génocide industriel et industrieux voulu, pensé et exécuté
comme tel. Juste aussi aujourd’hui à l’ombre de cette stèle et les 58
noms quelle porte, rappeler que la France sous l’occupation ce ne fut pas que
Vichy et la Milice. La France sous l’occupation ce fut bien sur les lois
raciales. Cette stèle est d’ailleurs posée dans un parc auquel ces enfants
n’avaient pas accès. Mais aussi rappeler qu’en ces heures sombres, Vichy n’était
pas toute la France. Raconter l’histoire, l’abandon des élites et la
collaboration, c’est raconter aussi le courage de ces Français libres qui
s’organisèrent, s’armèrent et combattirent jusqu’au dernier souffle pour
refuser la fatalité et l’inacceptable. Raconter l’histoire, c’est parler de ces Justes, de ces
hommes, de ces femmes anonymes, de ces villages entiers qui cachèrent des
Juifs, qui s’élevèrent publiquement contre l’expression la plus abjecte de
l’intolérance. Ces hommes et ces femmes firent l’honneur de la République. Je
veux leur rendre hommage au nom de la Nation. Alors aujourd’hui, la mémoire des Justes, comme les drames
vécus par nos concitoyens exterminés parce que nés Juifs, confèrent à nos
générations le devoir de raviver la flamme. Tel est précisément le sens de cette cérémonie. Au nom de
tous ceux-là, ne laissons jamais personne salir l’image de notre pays,
distiller la haine ou le mépris au sein de la République, et importer ici ou là
des conflits qui ne justifieront jamais qu’en France, des Français s’en
prennent à d’autres Français. Pour que toutes ces morts aient un sens, pour que ces vies
brisées prennent leur place dans l’Histoire, il faut que le malheur de cette
période n’ait pas été vain. Chérissons la République, donnons-lui toujours plus
de force. Car si elle est un rempart contre la barbarie, gardons à
l’esprit que ce rempart est fragile. Le combat pour les valeurs républicaines
est un combat de chaque instant. Rien ne serait pire que de croire la République
définitivement installée et son modèle accepté par tous. Nostalgiques de
l’extrême droite, néo-nazis, communautaristes de tous poils, intégristes de
toutes confessions : notre république ne manque malheureusement pas d’ennemis. Par ailleurs, avec le temps qui passe, la Shoah devient
difficile à transmettre aux jeunes générations en raison de la disparition
progressive des anciens déportés. Il en va de même de la Résistance et du
combat de tous ces Français qui ont eu le courage de sauver l’honneur de la
France et de s’opposer à l’inacceptable. C’est parce que les témoins vivants finissent petit-à-petit
par disparaître qu’il est important de combattre les tentatives de réécriture
ou de négation de l’histoire. Il faut dire avec la plus grande fermeté que
l’extermination des Juifs par les nazis est un fait incontestable qui doit
pouvoir être enseigné dans les écoles et les lycées comme une vérité
historique, comme un crime unique dans l’histoire de l’humanité. Mesdames et Messieurs, mes chers enfants, la France est une
République où l’occupation nazie, où l’idéologie nazie et l’antisémitisme ont
été combattus. Il y eut les femmes et les hommes de la Résistance. Il y eut
des femmes comme Lucie Aubrac dont nous pleurons la disparition. Il y eut des Français qui sauvèrent des Juifs. Ces « Justes »
prirent des risques énormes pour sauver des gens traqués parce qu’ils étaient
juifs. La France, ce sont ces femmes et ces hommes qui l’ont
incarnée. Nous leur rendons aujourd’hui hommage et affection. C’est cette
tradition républicaine-là que nous perpétuons. Je vous remercie.