Mais avant de dévaler la pente garder une fierté la dernière celle que la défaite ne peux pas vous arracher... Celui de ne pas avoir été compté... De ne pas avoir mis le genoux à terre... C'est débile et très masculin je pense... C'est ainsi on se refait pas... Pas totalement en tout cas... La dernière fierté celle qu'on garde en soi même après avoir dévalé la pente jusqu'au bout...
Qui n'a pas vu "Raginig Bull" ? Chef d'oeuvre absolu du cinéma de M. Martin Scorsese parmi beaucoup d'autres... Mais celui là me parle... Peut-être parce que dans mon métier on m'appelle le Pitbull ? Peut-être est-ce mérité ? Je ne sais pas trop... Ce dont je suis certain c'est qu'un jour on bouge moins vite... On cogne moins fort... On trouve plus jeune plus vif, plus costaud, plus agressif... Et on perd... Cela fini toujours ainsi... Ecouter le très beau "Cavalleria Rusticana"... Et boxer dans le vide... En attendant celui qui vous fera sortir de scène... Il approche... Mais ne pas refuser le combat... Le souhaiter même un peu...
Envie de marcher sur une plage, celle de Bidart ou de la Milady à Biarritz... Le soleil tombe dans l'océan dans quelques heures le rayon vert... Le ciel est couvert et les vagues cassent fort... Le vent de terre les forme bien... Marcher longtemps puis s'arrêter... Passer sa combi et prendre sa planche... Savoir que l'océan va vous mettre minable... Pas grave... On le fait autant pour les sensations que pour le sentiment d'avoir fait ses ablutions... Voilà si on me demande ce que j'aimerai faire là ? Et bien ça... Etre là-bas sur ces plages basques que j'aime tant... Y être seul et repenser à cette bande de potes qui les arppenta 5 étés durant... Avant d'être dispersée par le vent... par les vagues... par la vie... Et avant de partir me faire m'être en pièces par les vagues écouter cette version de "Solsbury Hill" par Lou Reed... Donnez moi l'océan celui qui cogne... Celui qui lave... Celui qui rince...
Après avoir fait nos adieux à ma grand-mère... Mon père a endossé en tant qu'ainé une dernière fois son costard de chef de clan... On s'est retrouvé ces trois frères leurs enfants... Mes oncles mes cousins et ma cousine... Moi aussi je suis l'ainé de cette génération... On s'est retrouvé chez mon père et là... Ils ont sorti la balle ovale et ça c'est mis à délirer... Un joyeux merdier... Plus de la Soule que du Rugby... Des rires... Mon père souriait... Mes oncles riaient... Je le regardais et je me disais que comme handicapé de la communication, j'ai de qui tenir... Et on a je crois sans le dire tous gouté chaque instant de cette soirée... Comme si on savait qu'on se reverrai pas après soirée... La dernière je pense nous le savions tous... J'ai mal partout mais j'ai passé un très bon moment... Eux aussi je crois... On était heureux... Puis on est tous repartis vers nos vies... "Ordre était donné de disperser les manifestants"
Kyte que je découvre c'était assez ça l'ambiance d'hier soir...
Pourquoi je me débat... Peut être parce que des gens dont la parole compte pour moi m'ont dit tu peux pas... Peut-être parce que mon vieux frère m'a dit : "tu déconnes à plein tube"... Pas par lâcheté... Par manque de courage, ce n'est pas tout à fait la même chose... Oui ! Sans doute par manque de courage... Et puis il fait froid dans l'eau... La peau est anesthésiée, alors on sent presque pas les morsures... Et pour des raisons très personnelles je veux bien mourir déchiqueté mais pas noyé... Et la c'était un peu cette sensation... Car "il y a eu du sang dans l'eau et les requins sont venus"... Mais ils se méfient... Je crois... Peur du réveil du "Léviathan"... Il ne se réveille pas le "Léviathan"... Il n'est plus là... Mais ils ne le savent pas alors j'ai peut-être une fenêtre de tir... Alors je remonte... Ne pas mourir noyé... Je peux pas... Je le dois à ma fille... Mais je le dois à quelqu'un d'autre aussi... A celle qui vu Venise et ne s'est pas noyé... Cela me semble si loin... Alors je remonte.... Je remonte...
Est-ce ce que je vis qui provoque cela ? Mais jamais dans les 10 dernières années le manque de l'océan et de la plongée ne m'avait autant pressé de toute part... Cette sensation de retrouver l'endroit d'ou l'on vient, son élément... Ce silence, ce calme... L'apnée, la sensation de liberté absolue dans l'espace temporel le plus contraint et l'élément le plus opressant... La liberté absolue pourtant... Cela me manque... Et cette putain d'oreille qui ne supporte plus que 6 à 7 atmosphère... Et puis depuis l'accident je fume comme un pompier... Mais bon... Ca manque... Vous connaissez pas ? Essayez !... Putain d'oreille...
A une époque cela devait être mon métier... Ponger... Et puis quand on est jeune on est con, souvent... Accident... Et je ne serai jamais plongeur... Je ne plonge plus d'ailleurs je ne peux plus... Comme une vieille blessure d'Arras... Comme Cyrano, on a tous, nos vieilles blessures d'Arras... Alors l'ouverture du "Grand Bleu"... Comme pour me rappeler ce que je ne serai jamais... Jamais plus... Et aussi trouver la respiration le rythme... Avant une nouvelle plongée... Avant une autre sorte de plongée... En aurais-je le souffle... Se rappeler la phrase d'Enzo à Jacuqes : "tu as du courage d'y aller avec un tel physique..." On verra... de toute façon c'est déjà trop tard... 1 - 2 - 3... Plonger...
Voilà, au final je ne voulais pas ce combat... Je suis entrer dans la salle... Comme d'autre entre sur un ring... L'adversaire était à ma main... Je me suis échauffé... Comme si je boxais dans le vide sur de la musique douce... Et puis j'ai croisé son regard terrifié... Alors je suis sorti du ring... Jeter l'éponge... J'aurai gagné, je le sais, elle aussi, cela me suffit... Je n'ai rien demandé... La justice la condamne ou pas... Je m'en lave les mains... Demain soir je pourrai regarder ma fille dans les yeux... Et je pourrai aussi le faire quand dans quelques années elle posera des questions...Une près-midi ou je me rappellerai avoir boxé dans le vide sur de la musique douce...