Il s'appelle Renaud M. Jeudi dernier il était en train de manifester sur le parvis de la Mairie où je suis Dir Cab. Il soutenait ce que lui et quelques autres appellent des "Biffins", et que, moi, j'appelle des "Sauvettes". Mais peu importe, là n'est pas le propos de mon article. Ce blog est, je vous l'ai dit, une tentative de reconstruction d'une trajectoire, la mienne en l'occurrence. Et l'exercice est plus difficile que je ne le croyais. Non pas parce que je me sentirais à un seul moment dans la peau d'un traitre (un social traitre diraient certains), non pas que je ne sache parfaitement qui je suis d'où je viens et où je vais, enfin politiquement (en ce qui concerne ma psyché référez vous à "ezl" ). Mais parce que les choses sont complexes et longues à expliquer. De nombreux détours théorique sont indispensables à la compréhension du lecteur et plus que l'envie qui est tenace, c'est le temps qui me manque pour mener à bien ce projet.
Mais, là aussi passons ! Revenons à ma rencontre avec Renaud M.
Je descends donc vers 19h jeudi dans l'exercice de mes fonctions. Et là, au milieu des manifestants, je croise Renaud. On se regarde. On se sourit. On se claque la bise pour se dire bonjour comme on a toujours fait et on échange quelques mots. Cela devait faire 8 ans au moins que je n'avais pas recroisé Renaud. On a fait notre second cycle d'histoire ensemble en histoire moderne. On militait aussi dans le même syndicat étudiant, l'Unef-ID à l'époque. Lui appartenait à la tendance Trotskyste et moi j'avais quitté les "Situs" depuis peu pour entrer de pleins pieds et assez directement dans la Sociale Démocratie, c'était à la fin des années 90. Il était marxiste. J'étais marxien. Je reviendrai ultérieurement sur cette différence. Mais nous nous entendions bien. Nos débats théoriques étaient intéressants et nous y passions des heures. Puis la vie a fait que nous nous sommes perdus de vue quelques temps après la fac à mon entrée sur le marché du travail au moment où j'étais chargé de mission au Cabinet de Michèle Blumenthal, Maire du 12ème arrondissement.
Jeudi soir donc, on s'est fait la bise comme on a toujours fait, on a échangé quelques mots très sympathiques et chaleureux, on était content de se revoir. Lui dans un camp, moi dans mon rôle. Ses camarades l'ont regardé bizarrement et mes chargés de mission ont cachés leur trouble, assez visible. Je me souviens d'avoir dit à Ilia "Et oui Ilia, même les Directeurs de Cabinet ont un passé !" Puis, pris par l'urgence, chacun a repris sont rôle et/ou sa fonction. Dans le speed, le bruit, mes allers et retours entre la salle du Conseil et le Parvis, je ne l'ai pas revu.
Déjà à la fin des années 90, on savait qu'on se recroiserait surement dans ce genre de situation. Lui dans les lignes de l'extrême gauche et moi dans les rangs des sociaux démocrates. L'idéaliste et le responsable. Je suis content de l'avoir revu. Il avait l'air en forme. Je suis surtout heureux que cela n'ait pas dégénéré. Il existe beaucoup de cyniques dans l'extrême gauche, la radicalité ne servant qu'une sorte d'ambition personnelle. La posture plus que la réelle envie de changer les choses. L'attente du grand soir reportant toute avancée pragmatique mais sérieuse. Il est préférable de laisser les situations pourrir pour garder les masses dans une possible poussée révolutionnaire. Je connais cette théorie par cœur et elle me fait vomir. Mais, chez Renaud, je n'ai jamais ressenti cela. Il est convaincu de ce qu'il fait, un romantique persuadé de son bon droit et de défendre les bonnes causes avec les bon moyens. En cela je le respecte. En cela cela m'aurait fais chier que cela dégénère...
Voilà comment 15 ans après, on se fait une bise, et on se retrouve dos à dos, enfin face à face pour être exact...